Exemple contemporain du pluralisme juridique : l’Afrique noire
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- Created on: 19-04-17 16:33
Exemple contemporain du pluralisme juridique
L’anthropologie juridique doit beaucoup à l’Afrique car on a répertorié sur l’ensemble du contient plusieurs milliers de systèmes juridiques différents les uns des autres et constituant un champ d’action privilégié de la diversité donc une source de réflexion sur l’altérité. L’expérience juridique de l’Afrique noire et fortement ancrée dans le pluralisme juridique, avant, pendant et après la colonisation.
L’ensemble juridique précolonial se présente comme chaque communauté possédant ses mythes créateurs et ses coutumes. Il y a aussi dans certains pays le droit musulman qui est entré en contact avec les coutumes autochtones. C’est au XIX° que l’Afrique a fait l’objet d’une importante pénétration coloniale par les Etats européens. Cette colonisation a évidemment provoqué une profonde mutation des sociétés traditionnelles puisqu’il s’agit d’un transfère de modernité selon le principe de la théorie de la diffusion. C’est l’ethnocentrisme qui a permis de fonder le processus de colonisation. Parmi les transplants de civilisation et de culture, il y a bien sûr le droit, d’ailleurs on parle de transfère de droit. Le droit étant partie prenante de la culture dans sa globalité. Ce sont les effets de cette greffe juridique qui intéressent les anthropologues du droit et la première question à se poser est de savoir quels peuvent être les effets théoriques de se transfère. Savoir ce qu’il peut se passer lorsque deux cultures juridiques se rencontrent.
Exemple contemporain du pluralisme juridique
La première conséquence peut être la déculturation juridique, la perte de l’identité juridique pour les populations autochtones qui subissent le transfère. Il s’agit de l’anéantissement du système colonisé au profit du système imposé par le colonisateur, ce qui est censé conduire à une uniformisation du droit dans sa version occidentale (ex : modèle moniste juridique à la française dans le cas de colonies française). Cela implique donc a disparition des coutumes au profit de la loi.
La seconde hypothèse est celle de l’acculturation, l’idée que l’on ne va substituer une culture à une autre mais plutôt ajouter une culture à une autre. Il n’y a pas d’anéantissement des droits autochtones (coutumes locales ethniques ou droit religieux musulman). On parle d’acculturation dans une situation pluraliste, elle est souvent conflictuelle et va prendre des formes variées. Ce droit pluraliste résultant de l’acculturation est évolutif et à ce titre il intéresse les ethnologues en raison des processus de juridicisation à l’œuvre pendant et après la colonisation.
On ne connait pas vraiment pour l’Afrique eu de situation de déculturation juridique. Elle a été parfois voulue mais n’a pas fonctionné. Les populations colonisées ont résisté au modèle juridique qui leur a été imposé, elles ont d’abord résisté contre l’emprise du colonisateur mais aussi contre les autorités des Etats devenus indépendants (postcoloniaux). C’est vraiment ce phénomène de résistances des populations autochtones face à la vocation de leur imposer un modèle qui n’est pas le leur qui montre leur volonté de préserver leur droit et leur mode de vie originel et la volonté de préserver leur identité juridique.
Sources de droit- mythe
Le mythe est un récit fondateur d’une société, qui se transmet de génération en génération. De manière générale, ces mythes servent à donner un sens au monde existant en expliquant la création de l’univers, la naissance de la vie et de la vie en société ainsi que les grandes règles qui l’ordonnent. Le mythe s’inscrit dans un passé lointain voire même immémorial. C’est lui qui va permettre de comprendre les normes et principes juridiques propres à une société. On s’aperçoit que le monde mythique va se prolonger dans le monde visible et que certaines normes/règles, ne sont en réalité que la reproduction ou le prolongement du récit mythique. De ce fait, dans de très nombreuses sociétés, le mythe est créateur de droit. La mise en norme du récit mythique se fait par un jeu prescription ou d’interdictions qui visent en général à rétablir un ordre initialement perturbé par les forces initiales du désordre Le mythe a effectivement un pouvoir créateur de droit et de comportement sociaux, le principe créateur du droit n’est plus ici dans l’Homme mais dans le mythe. Ce qui est contraire à nos sociétés qui considère la puissance et la maitrise de l’Homme sur le droit par sa raison. Grâce à cette puissance de faire le droit, l’Homme est censé lui-même assurer l’ordre social. Il y a des logiques, au sens de représentation qui sous tendent le processus, très différentes entre sociétés traditionnelle et sociétés modernes.
Sources de droit- coutume
Le droit traditionnel, contrairement au droit moderne, favorise le rôle de la coutume. Cette place centrale occupée par la coutume s’explique par le fait que les sociétés de la tradition soient beaucoup pus tournées vers le passé que vers l’avenir. La coutume est difficile à définir mais ces caractères sont qu’il s’agit d’un droit populaire, spontané et s’opposant à un droit étatique du fait qu’il émane des populations elles mêmes. Il s’agit d’un droit oral né d’un usage répété, prolongé et tenu pour obligatoire par ceux qui y sont soumis. Cette définition va nous permettre d’assister sur 4 points :
-l’élément matériel (élément de répétition) : répétitions d’actes semblables qui vont construire un modèle de comportement sociale. En général, ceux qui l’appliquent favorisent son aspect de répétition. L’acte originel appelé à se répété est souvent issu du mythe fondateur. Cette répétition est inscrite dans la durée et perdure dans un phénomène d’imitation sociale des individus. Quelque soit l’origine de l’acte imité, les populations le répètent sans se poser la question de l’origine et de la légitimité de cet acte. Les seuls qui soient vraiment capable de transmettre le sens du mythe et donc le sens de la coutume sont les anciens. Cette notion de répétition par l’imitation soulève la question qui cherche à savoir si la coutume est immuable. Ce n’est en fait pas le cas, en dépit de l’origine mimétique, car la coutume peut être et est adaptée à l’évolution des mœurs, aux besoins du groupe et aux nécessités de changement. Cette adaptation de la coutume s’accompagne d’une réinterprétation du mythe. De ce point de vu, la coutume est peut être plus malléable que la loi étant dans une certaine mesure une norme figée.
Sources de droit- coutume
-La force obligatoire (élément psychologique) : tenu pour obligatoire par ceux qui y sont soumis. La force obligatoire se trouve dans la conscience, la conviction que l’on a de la nécessité de la coutume. Cette nécessité s’explique par la finalité poursuivie : préserver l’ordre social et assurer la reproduction ou la continuité du groupe. La limite entre l’usage et la coutume se trouve au niveau de l’étendu. L’usage se réduit à un groupe seulement de la société et ce n’est qu’une fois que son utilisation s’est étendue à toute la société qu’il prend le nom de coutume.
-La sanction : contrairement à ce que nous disaient les juristes, la sanction n’est pas nécessairement prodiguée par une autorité légitime équivalente à la puissance publique. On encourt la sanction des puissances surnaturelles qui entourent la communauté, ainsi que la sanction de la communauté elle-même. En cas de violation de la coutume, la sanction serait rendue par les esprits des ancêtres, gardiens et mythes et des coutumes et pouvant intervenir dan le monde visible en infligeant la mort ou la maladie. Cela est lié au culte des ancêtres très présent dans ces sociétés. Soit les ancêtres peuvent intervenir spontanément ou peuvent être invoqués par l’Homme à travers des rites. Les sanctions données par la société elle-même sont l’ostracisme.
Sources de droit- coutume
-L’oralité et l’interprétation : Le problème de la connaissance au sens du fond, de sa portée, de son interprétation et de sa transmission se pose. Ce sont en principe les anciens qui sont dépositaires de cette connaissance et qui vont servir d’intermédiaire entre le mythe et les membres du groupe. Quand se pose un problème de coutume ou de conflit, on va interroger les anciens pour savoir ce que dit la coutume dans la mesure où ils sont dépositaire du fond de la coutume, de sa portée.
Il faut différencier le droit coutumier africain et le droit moderne. D’un côté nous avons la valorisation du passé et de l’autre celle de l’innovation, d’un côté la valorisation du groupe et de l’autre celle de l’individu, d’un côté la maîtrise du droit et de l’Homme par le mythe avec la place éminente de la coutume et de l’autre maîtrise du droit par l’Homme avec la place éminente de la loi. Tous ces caractère du droit traditionnel ont été interprété de manière ethnocentriste par les occidentaux, c'est-à-dire comme un droit archaïque incapable de service la société. C’est pourquoi la colonisation s’accompagne d’un transfère de droit.
Les colonisations juridiques et leurs conséquences
C’est au XIX° que la colonisation va imputer un transfère de droit en Afrique. Mais cette colonisation à produit une acculturation, un nouveau pluralisme juridique fondé sur la coexistence du système juridique occidental avec le système juridique traditionnel. Ce nouveau pluralisme résulte du transfère juridique occidental ET de la résistance des populations autochtones, ces deux caractères étant indissociables. Pour rendre compte des effets de se transfère, les anthropologues parlent de dominants et de dominés. Les dominants sont les Etats colonisateurs dans un premier temps et les Etats devenus indépendants avec leurs institutions postcoloniales ensuite, les dominés sont les populations locales qui subissent sans l’avoir choisit ce modèle juridique nouveau.
Le phénomène d’acculturation s’est présenté avec les dominant utilisant un droit étatique largement inspiré par les systèmes occidentaux civilistes ou du commun law. Les dominés, eux, vont résister en continuant à recourir à d’autres droit que celui qu’on leur impose. Ces droits sont qualifiés de droits cachés et sont d’inspiration traditionnelle. Les dominants ont adoptés deux attitudes à l’égard de ces droits cachés. Ils ont été d’abord plus ou moins reconnus et tolérés pendant la période coloniale, puis ensuite ils sont officiellement niés après les indépendances.
Période coloniale: Phase d’absorption
Cette phase correspond à un phénomène de dénaturation, modification voulue et planifiée du droit traditionnel pendant la période d’administration coloniale. Elle s’applique pour les besoins nouveaux qui ne sont pas régis par le droit traditionnel mais qui exigent l’application du droit occidental. Il s’agit d’accroitre la phase du droit occidental au détriment du droit traditionnel. Cette phase est d’abord conditionnée par les données économiques, les rapports marchands.
Les dominants commencent à pénétrer la société colonisée ce qui bouleverse les rapports sociaux et crée de nouveaux apports d’obligation, nouveaux outils contractuels et de ce fait de nouveaux litiges qui sortent du champ de la coutume. Le champ traditionnel se rétrécit quand commence le champ occidental. Se forment également des litiges entre des personnes de coutumes différentes : les litiges liés aux flux migratoires liés au contexte colonial. Cette situation est complexe pour les juges et donc des autorités interviennent sur le droit coutumier pour préciser son champ d’application, le fond de la coutume et pour essayer de réduire la diversité coutumière. Ces autorités coloniales décident de procéder à la dénaturation des coutumes.
Période coloniale: La phase de coopération
Cette phase de coopération est marquée par la survie des droits traditionnels : le colonisateur à tout simplement renoncé à imposer le droit occidental dans tous les domaines. Il a préféré ne pas trop intervenir dans les affaires locales sauf pour lever l’impôt. Le colonisateur à permis aux communautés de garder leur droit dans le domaine du statut personnel et du mode d’exploitation des terres. Cette phase conduit à un système juridique hybride avec un droit traditionnel régissant les campagnes, les régions rurales. Le droit occidental moderne va régir toutes les institutions étatiques coloniales et de manière plus générale le droit public va s’imposer, il va aussi régir le droit des contrats en raison de la volonté d’imposer un marché économique. On a vu se mettre en place un modèle juridictionnel dualiste avec des juridictions traditionnelles reconnues et organisées par le colonisateur (composées d’administrateurs coloniaux, de juges formés en métropoles et d’assesseurs connaissant la coutume) et des juridictions étatique compétentes en matière de droit occidental et coutumier. On a un système qui en apparence semble garantir le droit traditionnel avec cette dualité de juridiction, alors qu’en réalité par le biais de la juridiction on va assister à la dénaturation progressive et indirect des droits traditionnel. Lorsque les juges métropolitains vont être amenés à appliquer le droit traditionnel, leur formation au droit occidental va les amener à faire prévaloir des mécanismes de ce droit. Mais aussi lorsque le juge va être amené à faire prévaloir le droit occidental sur le droit traditionnel quand ce dernier trouble l’ordre colonial ou chaque fois qu’il est lacunaire. Ce faisant, par le biais du juge et de l’application dénaturée du droit traditionnel, on assister à son éviction. Cette phase de coopération correspond à un régime transitoire où la survie des droits traditionnelle est précaire et leur contenu progressivement dénaturé.
Dénaturation par la rédaction des coutumes
Cette rédaction est mise en œuvre dans les colonies française au début du **° (première entreprise souhaitée) sous l’impulsion du gouverneur Roume, c’est pourquoi on l’appellera la « doctrine Roume ». En fait le Gouverneur est l’institution qui fédère l’AOF qui regroupait huit colonies. En 1905 le Gouverneur Roume a demandé, prescrit à tous les juges de rassembler les données coutumières nécessaires à la rédaction d’un coutumier général.
Cette rédaction passe d’abord par un travail préparatoire, démarche censée préserver l’authenticité du droit traditionnel grâce à la mystiquerie mais cela est seulement une façade. En réalité la rédaction qui est supervisée par les autorités coloniales doit servir la modernisation des coutumes (= l’occidentalisation) et par conséquent leur dénaturation.
La rédaction des coutumes va ensuite et surtout se dérouler à travers la clarification, ce qui va se traduire par une ingérence sur la forme et par la recherche d’un droit romain coutumier afin de tenter de réduire la diversité coutumière. L’idée est de moderniser ces coutumes pour les mettre en conformité avec le progrès et essayer de contribuer à leur modernisation (ingérence sur le fond du droit). Cette amélioration se fonde sur le modèle du droit occidental.
Retour sur l’ancien droit français
Dans l’ancien droit français, le cadre pluraliste est régit par la coutume pour tout ce qui relevait du droit privé. Coutume qui était considérée comme une expression des identités locales. Au XV°, le roi revendique la souveraineté législative, il est en pleine reconquête de sa souveraineté et tolère de plus en plus difficilement l’existence de droits concurrents, en particulier le droit coutumier. Le roi veut maitriser la justice et pour cela il ordonne la rédaction officielle des coutumes du royaume (ex : Ordonnance de Montils les Tours en 1454). Les enjeux de cette rédaction sont : - Juridique : rendre ce droit coutumier plus sûr, plus certain, plus accessible, plus clair. La mise par écrit va régler les problèmes de preuve et faciliter la tâche du juge lorsqu’il s’agit de juger avec ce droit coutumier. On aura donc une justice moins couteuse et moins lente. - Politique : le roi doit maitriser le droit coutumier et l’assimiler à un droit royal par le biais de la sanction. De plus, les coutumes rédigées doivent être approuvées par le roi.
Cette rédaction va aboutir à la transformation du contenu de la norme coutumière. Les acteurs du processus de la rédaction de la coutume sont des agents du roi qui vont procéder et influencer le contenu final. La modification qui est envisagée pour des finalités précises (simplification, modernisation, harmoniser, unifier le droit) suppose de supprimer les archaïsmes et les discordances. Il faut essayer de mettre en conformité ce droit coutumier avec le droit royal. Il y a ici une complète dénaturation du droit coutumier.
Résultat de l’entreprise de rédaction
De 1905 jusqu’en 1930 la volonté de rédiger les coutumes n’a pas été suivie des faits. Cet échec se traduit par des raisons idéologiques mais aussi des raisons purement matérielles et économiques. Ainsi la rédaction officielle des coutumes débute dans les années 1930 et est rassemblée dans le coutumier de l’AOF. De nombreuses critiques se sont fait connaître s’agissant du processus de rédaction dans ses globalités et finalités. La critique se fait entendre quant à la démarche elle-même mais aussi et surtout quant à la dénaturation qui s’inscrit dans la durée. Ainsi, Delavignette (1931) s’insurge contre les modalités de rédaction des coutumes ivoiriennes. Dans Les vrais chefs de l’empire il reproche aux administrateurs coloniaux d’introduire les catégories du code dans la coutume et de rationaliser les coutumes pour les désacraliser afin de les mettre sous l’influence du code. L’auteur critique également à travers son ouvrage la dépersonnalisation et le déracinement des coutumes favorisant une aliénation héréditaire. Ce processus est même jugé de déplorable par Etienne Leroy et à son avis la démarche entreprise par les colonisateurs est plus importante pour les intentions qu’elle sert que pour les résultats qu’elle promet. Jusque dans les années 1930, la rédaction n’a pas été suivie d’effets mais plus **** en 1937 on constate un échec dans la rédaction de quelques coutumes. En fait de façon générale il y en a eu très peu et elles n’étaient que fragmentaires. A partir des années 1940, la politique juridique n’est plus la même que pendant la période coloniale.
Situation postcoloniale
Au moment des indépendances, l’offensive contre les droits traditionnels s‘est accentuée et la décolonisation juridique n’a pas entrainée de décolonisation politique. Aussi des élites sont choisies au nom des impératifs du développement, du progrès et plus généralement de la modernité avec cette idée que le modèle de développement correspond au modèle occidental. En fait, il s’agit plus d’une politique de tolérance. Cette offensive s’est manifestée avec le fait que l’Afrique noire ait connu un mouvement de codification d’une très grande ampleur, et une codification inspirée par les codes européens.
Par la suite, on s’est aperçu dans la pratique que les communautés locales ont résisté à ce nouveau droit étatique européen, et c’est cette résistance qui montre que les entreprises d’importation du droit occidentale est un échec. Sur la base de cet échec et de résistance de droit traditionnels, certains Etats ont opté pour une solution médiane, qui va essayer de résoudre les problèmes. Elles vont lancer des politiques d’authenticité juridique, qui sont inspirées par un plus grand respect du droit traditionnel.
Le temps des codifications
En Afrique l’indépendance n’est pas dissociable de la codification. S’agissant de la codification, ce n’est ni une compilation ni une rédaction des coutumes mais bien un transfert des codifications européennes modernes, dans les pays nouvellement indépendants. Pus exactement il s’agit d’une imitation, le terme de transfère ayant été choisi par les autorités locales. Pour les anciennes colonies françaises le modèle est le code civil.
Les motifs
Les motifs sont essentiels et ainsi on dénombre trois types d’enjeux.
- Les enjeux politiques étaient difficilement avouables et n’ont jamais été revendiqués. En fait la codification est un instrument de domination de l’Etat sur les populations et de ce fait les codifications sont liées à l’instauration d’un nouvel ordre social, servent à mettre en place un droit étatique uniforme en faisant fusionner les peuples sous un pouvoir nouveau, à augmenter la puissance de l’Etat. Il y a donc là une dilution des multiples identités culturelles, juridiques au sein d’une nouvelle identité culturelle uniforme. La coutume étant vue comme un facteur de division, de dislocation.
- La codification va mettre en place une nouvelle logique institutionnelle sociale. On met en place de nouvelles sujétions (soumissions), c'est-à-dire une somme d’individus de même droits à la fois juridiques et politiques formant ainsi une obédience globale constituée d’individus qui ne sont plus différenciés et qui vont devenir sujet de l’Etat. C’est un phénomène d’ordre politique ou d’ambition politique. On a donc un Etat dominateur avec des sujets de droits.
Enjeux économiques
Les enjeux économiques font partie des priorités des colonisateurs. Or le droit traditionnel est mal adapté pour assurer un développement économique de type occidental. Ainsi on va lui reprocher d’être irrationnel, d’ignorer toutes les exigences de l’économie de marché et les contrats, de poser problème au niveau des relations familiales traditionnelles qui sont perçues comme une entrave aux relations économiques et à la multiplication des échanges et enfin d’avoir un droit foncier influençant une sous exploitation du sol.
Le droit social traditionnel est inadapté aux exigences de la modernité et les Etats colonisateurs l’ont donc évincé du droit officiel. Il n’y a pas eu d’abrogation officielle, les experts occidentaux qui ont été sollicités ont cautionné cette hostilité à l’égard du droit traditionnel. Pour eux, le code c’est le progrès.
Enjeux juridiques et L’échec des codifications
L’enjeu juridique est l’unification dont l’instrument est le code. Il s’agit de rendre un droit clair, accessible, ordonné, rationnel, unifié. C’est le principe de l’égalité civile.
Le droit codifié est au service de l’unité nationale : un peuple uni dans un Etat unifié, ce qui équivaut anéantir le pluralisme sociologique et le pluralisme juridique. Nous somme plutôt dans le l’uniformité imposée
En réalité, il n’y a pas eu de déculturation souhaitée et l’échec réside dans la vision des Etats du fait qu’il ait un code. Les codes choisis ne se sont pas substitués au droit traditionnel qui a continué à exister à côté du droit occidental codifié.
Les causes de cette résistance sont multiples. La plupart de ces Etats n’ont pas réalisé de codifications globales mais des codifications que l’on peut qualifier de partielles. La conséquence à cela est qu’il y a eu des portions de droit qui n’ont pas été codifiés. Le droit traditionnel est donc resté en vigueur (droit supplétif) chaque fois que le droit nouveau était silencieux.
L’échec des codifications
Le droit traditionnel joue un rôle de droit concurrent et agit comme un phénomène de résistance au droit étatique traditionnel, à la coutume : le support de l’identité juridique et culturelle, problème d’aliénation identitaire. Les prescriptions du droit codifié sont ressenties par les populations comme un droit imposé de l’extérieur. L’acculturation n’est pas consentie et est vécu comme une agression, comme une aliénation culturelle et identitaire.
De plus il y a l’incompréhension liée au langage. En effet le droit codifié était dans la langue de l’ex colonisateur et ainsi l’usager se trouve confronté à un droit dont il ne comprend pas les finesses. Les populations majoritairement rurales sont complètement étrangères à ce contenu et s’en remettent à ce qu’elles comprennent.
La résistance du droit traditionnel au modèle euro
Ces résistances ont pris des formes variables. Il n’y a pas de modèle unique mais des formes de résistance qui témoignent du dynamisme traditionnel.
La survivance des coutumes : exemple du code ivoirien de la famille de 1964
Ce code est évidemment très inspiré par le code civil français. Il supprime plusieurs institutions traditionnelles comme la polygamie, la dot. En ce qui concerne le mariage et en vertu de code civil nouveau, c’est l’Etat seul qui peut conférer la légalité du mariage, par opposition aux mariages coutumiers qui ne n’nécessitait aucune intervention des pouvoirs publics. On voit aussi la consécration de la famille nucléaire (parents et enfants) à l’inverse des familles étendues traditionnelles. La population n’a pas adhéré à ces nouvelles dispositions et à rejeté les institutions, les procédures du droit moderne. En matière familiales, les coutumes traditionnelles sont restées très vivaces et en particulier la polygamie, le mariage coutumier et la dot. Les sondages le montrent bien, en effet en 1977 sur 100 femme de plus de 18 ans 29% sont célibataires, 49% mariées coutumièrement et 7% mariées à la mairie. De même en 1984 où parmi les hommes mariés de plus de 15 ans, 82% ont une épouse, 14% ont deux épouse, 2,5% ont trois épouses et 0.5% ont quatre épouses et plus.
La résistance du droit traditionnel au modèle euro
Dans un domaine qui n’est pas la famille et de manière générale, lorsque le législateur met en œuvre des réformes foncières pour servir une meilleure exploitation du sol, les paysans refusent ces nouvelles normes et le plus souvent on s’aperçoit qu’ils font revivre d’anciens modes d’exploitation de la terre ainsi que des règlements traditionnels de litiges fonciers.
Pour prendre conscience de ces résistances, le rapport sur la Côté d’Ivoire de Rolin évoquant les sanctions permet de montrer en quoi il y a eu des résistances. En effet, il constate que ceux qui refusent d’appliquer le droit nouveau ne sont pas sanctionnés et si les sanctions existent, elles n’ont pas d’effet dissuasif. Et donc cette absence encourage la résistance. L’auteur ajoute également que ce qui a permis la mise en place du code ivoirien est la tolérance dans la mesure où le législateur n’a pas voulu être trop sévère. Ainsi, à côté de ce droit nouveau demeurent ceux qui continuent à vivre selon les droits traditionnels par choix ou par ignorance, sans pour autant qu’il y ait d’option de droit (c’est plutôt un principe de tolérance qui est appliqué). Le contournement des droit traduits leur inefficacité et inadaptation, c'est-à-dire que ces lois nouvelles sont inadaptées à l’identité culturelle des populations et inefficaces car elles ne sont pas assorties de sanctions.
La résistance du droit traditionnel au modèle euro
La dot est un bon exemple comme il s’agit d’une vieille pratique africaine qui continue d’exister aujourd’hui dans certaines institutions. Elle a fait parti du droit français de la famille en occident est constituait un ensemble de biens apportés par la famille de l’épouse pour subvenir aux besoins du mariage qui se fonde lors du mariage. Cette institution est connue depuis longtemps en occident (époque romaine). Dans la culture africaine, c’est le futur mari ou sa famille qui va apporter des biens, non pas pour le ménage qui se fonde mais au profit de la famille de l’épouse. Elle a une portée symbolique et juridique, voire même compensatoire. Symbolique car elle est le symbole d’une union entre deux familles. La dimension compensatoire se trouve dans le fait que la dot est conçue afin de compenser la perte subit par une famille qui va donner sa fille, source de richesse par sa fécondité et sa force de travail. Enfin la dimension juridique s’exprime dans le fait que la dot va à la fois légitimer l’union c'est-à-dire que la femme ne devient l’épouse que lorsque le mari a versé la dot. Dans d’autres sociétés la dot va légitimer les enfants à naître de cette union, le mariage est considéré valide et légitime même sans dot mais le mari ne sera pas considéré comme le père légitime des enfants à naître s’il n’a pas versé de dot.
La résistance du droit traditionnel au modèle euro
Le législateur postcolonial est intervenu pour abolir cette dot ou bien seulement la limiter (ex : au Sénégal). En effet, on a considéré qu’elle était devenue une prestation économique exagérer en particulier à cause de la monétarisation des échanges et d’autres part elle n’était plus compatible avec la mise en place de la famille nucléaire comme on perd ici le point de vue d’alliance entre deux familles étendues. De plus l’idée de compensé un manque à gagner n’était plus d’actualité avec l’évolution moderne des sociétés. Malgré ces abolitions ou limitation la dot a continué à être appliquée puisque les futurs époux ont continué à s’en remettre. Ce qui a dominé en cela est le fait que la dot soit un acte de légitimation du mariage ou des enfants à naître (ex : Sénégal où un mariage sans dot est considéré comme fragile par les jeunes filles).
L’émergence d’une modernité alternative à celle dé
Il s’agit de nouvelles normes qui n’émanent pas de l’Etat et qui surtout utilisent la logique (et non pas le contenu) du droit traditionnel. Ce droit nouveau peut toujours être qualifié de populaire, spontané, droit des dominés. Comme il n’émane pas de l’Etat, ce n’est pas un droit officiel mais il offre une modernité alternative à celle définie par l’Etat. Cela signifie qu’il s’agit d’un droit nouveau qui va s’inscrire dans la modernité mais s’inspirant de la logique des droits traditionnels. Cette nouvelle forme de résistance va émerger au sein même des nouvelles institutions mises en place par l’Etat.
Lorsque l’Etat crée une institution nouvelle sur le modèle occidental, celles-ci vont être confiées aux populations locales qui vont les comprendre et les faire fonctionner à leur manière, c'est-à-dire en les interprétant selon leur propre logique juridique qui est celle du droit traditionnel. De ce fait, le fonctionnement et la mise en œuvre de ces institutions nouvelles ne seront pas ceux que l’Etat avait prévus.
Par exemple, au Sénégal en 1972 l’Etat crée une institution appelée « communauté rurale » et dotée de la personnalité morale et de compétences juridictionnelles. Elle a vocation à mettre en place une nouvelle organisation des terres et est composée de notables locaux qui vont dégager des solutions proches de la mentalité traditionnelle lorsqu’il s’agit de régler les litiges en matière foncière (ex : conciliation, blâme, témoignages au lieu de preuves écrites, …). Ce qui est intéressant est cette dualité entre une institution étatique nouvelle ayant vocation à servir la modernité et des solutions inspirées du droit traditionnel.
L’émergence d’une modernité alternative à celle dé
Il y a une résistance du fond du droit traditionnel sur le droit européenne par la survivance de son contenu et des coutumes, mise en évidence par le droit familiale et foncier. Il y a aussi une résistance de la logique du droit traditionnel avec cette idée de droit nouveau inspiré du droit traditionnel mais servant la modernité.
Sur la base de ce constat d’échec et comme on n’est pas dans un pluralisme voulu mais subit, les colonisateurs ont optés pour une nouvelle organisation juridique par des politiques d’authenticité juridique.
Retour aux sources : les politiques d’authenticité
Cette nouvelle phase s’est développée dans les années 80 et consiste à réintroduire officiellement le droit traditionnel dans la législation et dans les codes. Mais attention, on ne revient pas au système coutumier précolonial : retour aux sources ne veut pas dire retour au système coutumier. En fait, cela veut dire que le législateur, tout en se référant au droit occidental, va s’efforcer de tenir compte de la tradition. C’est une législation qui respecte l’identité juridique et culturelle des populations locales. Concrètement cela consiste à combiner les droits traditionnel et occidental, dans l’élaboration d’une nouvelle codification d’un droit commun. C’est donc un droit commun qui respecte la tradition mais adapté aux nécessités de la modernité. Par exemple, le code Zaïrois de la famille (1986) va délaisser un certain nombre de solutions calquées sur le droit occidental mais va en consacrer d’autres s’inspirant du droit traditionnel. Cela va passer notamment par le maintien de la dot comme condition de validité du mariage, le renoncement de l’idée trop étroite de la famille nucléaire avec celle de la solidarité familiale supposant que le ménage est constitué par ceux qui demeurent au domicile conjugal. De manière plus précise et toujours dans ce même code, on propose deux types de mariage et qui auront les mêmes effets : le mariage de droit écrit (mariage civil calqué sur le modèle occidental) et le mariage coutumier (célébré dans les formes prévues par la coutume des époux et non subordonné par le droit occidental). Le code ajoute cependant une condition qui est que lorsque les époux optent pour le mariage coutumier, ils doivent absolument procéder à son enregistrement afin qu’il soit opposable aux tiers. De manière générale, dans certaines codifications on va consacrer l’option de droit en matière de statut personnel. Dans ce cas là le justiciable à le choix entre deux droits pour régir son statut personnel. A défaut de choix, c’est le droit codifié qui s’applique en jouant le rôle de droit supplétif.
Conclusion
La manière de penser le droit à été équivoque et réductrice par rapport au contexte. Ce qui a engendré un échec de la codification.
Du coté des dominants la solution a été celle du tout européen, c'est-à-dire un droit fondé exclusivement sur les codifications modernes. Cela à impliqué le rejet du droit traditionnel. Du côté des dominés, la modèle a été pensé sur le modèle du tout africain, c'est-à-dire fondé sur le droit traditionnel ce qui a impliqué la résistance et le rejet des codifications.
Avec le recul on sait que ces deux modes de pensées étaient voués à l’échec dans la mesure où il y avait deux données complémentaires à respecter : l’entrée du continent africain dans la modernité ainsi la prise de conscience de la vivacité des traditions et des identités culturelles. Ceux qui en ont pris conscience ont finalement opté pour la solution médiane des politiques d’authenticité juridique, solution semblant viable et satisfaisante.
De manière générale, ce choix de la solution médiane a montré que le droit étatique n’est pas forcément l’ennemi du droit traditionnel comme il peut devenir le support d’un droit nouveau qui tient compte des données culturelles. En intégrant ces données traditionnelles dans le droit commun codifié, on a crée un seul droit codifié qui s’inspire donc de la tradition. On a donc toujours un système moniste puisqu’il s’agit d’un droit commun applicable à tous, mais inspiré par les deux cultures.
Conclusion
La deuxième solution possible reste à mettre est de faire coexister deux droits l’un à côté de l’autre. Ici on n’est plus dans un système moniste mais pluraliste comme une situation peut être régie par les deux droit suivant le choix que l’on fait. L’option de droit s’adapte plutôt mieux aux sociétés ayant toujours vécues dans un système traditionnel pluraliste.
Finalement, la loi n’a pu ignorer la coutume car dans une certaine mesure la greffe juridique ne peut prendre que si elle est adaptée à la culture qui la reçoit. Il faut donc renoncé à une certaine vision impérialiste et ethnocentriste du droit occidental. Enfin, il existe deux voies possibles dans l’hypothèse d’un transfère de droit :
-Marginaliser, dénaturer et anéantir le droit traditionnel (voie vouée à l’échec, cf. citation de Montesquieu). Portalis en 1801 nous dit a ce sujet que « les lois ne sont pas de pures actes de puissances » et il entend par là que ce ne sont pas des actes d’autorité visant à imposer à un model. Il ajoute que « le législateur ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les Hommes et non les Hommes pour les lois » ce qui signifie que ce ne sont pas aux Hommes de s’adapter aux lois mais inversement.
-Ouvrir le droit moderne aux influences du droit traditionnel (cf. expérience du Danemark, du Canada avec la reconnaissance officielle du droit autochtone). En ce qui concerne les pays qui ont connu la colonisation et qui sont en même temps rentré dans la modernité, il semble que la solution réside précisément dans cette combinaison.
Conclusion
Il apparaît que cette expérience de pluralisme juridique contribue pour nous d’élargir notre vision du droit et confirmer de sa relativité comme elle remet en cause certains dogmes dont celui la primauté de la loi et de l’indépendance du droit. Il n’y a pas un processus de juridicisation mais plusieurs, il n’y a pas une seule dynamique du pluralisme juridique mais plusieurs (modalités différentes mises en œuvre en fonction des sociétés et de leur vécu). Le droit n’est pas que rigidité et peut être vécu de manière flexible comme le montre le mécanisme particulier de l’option de droit.
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